Le 19 janvier 2013, il ne faisait pas bon arpenter la « plus belle avenue du monde » en mocassins ou en baskets. Dans sa partie la plus haute, notamment, à l’angle de la rue de Tilsit où la maison Cartier tient boutique. Les trottoirs ayant été sablés et déneigés – une richissime Saoudienne s’étalant nicab par-dessus-tête aurait fait mauvais genre _ nul péril, aurait-on pu penser, ne pouvait atteindre la masse congelée des touristes en maraude, ou les autochtones tête en l’air dans mon genre. Trépied sur l’épaule, revivifié par la moisson photo du jour, je cheminais le nez au vent, peu soucieux du posé de mes pas qui me mèneraient sans faillir, compagnons fidèles, jusqu’à la station RER la plus proche. Vingt mètres à parcourir. Une paille pour qui marche depuis l’aube. Plus qu’une rue à traverser, un nom de ville russe aujourd’hui rebaptisée. Un pied devant l’autre, pensant fouler du dur, je splashai gaiement dans du semi-liquide, neige et boue mêlées façon chiasse, magma prompt à engloutir au débotté, c’est le cas de le dire, le premier peton venu. Par chance, je portais ce jour-là des chaussures de randonnée à tige haute, cuir et Gore-Tex, davantage adaptées à la moyenne montagne qu’aux trottoirs parisiens – sauf le 19 janvier 2013. J’avais en outre eu la bonne idée d’enfiler un treillis camouflage magnifiquement assorti aux éclaboussures qui ne manquèrent point de le maculer jusqu’aux mollets. Tout le monde n’ayant pas choisi, loin s’en faut, la tenue « chasseur d’images » pour se pavaner sur les Champs-Élysées, les dommages furent bien plus apparents sur celles et ceux que la fantaisie me prit de figer dans l’instantanéité de leur plouf, ou de leur envol pour les moins distraits. Une heure durant, transi de froid, je restai à l’embouchure de ce cloaque, mon grand-angle pointé vers le sol, à la grande joie de plusieurs employés de chez Cartier qui, ayant aperçu mon manège, se bidonnaient parmi les ors et les diamants. Une bonne tranche de rigolade, cela n’a pas de prix.
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